C’est l’histoire d’un navigateur suisse, d’une équipe resserrée et soudée, portée par une marque iconique de montre de luxe. C’est l’histoire de la course d’une vie : le Vendée Globe. C’est l’histoire d’un rachat de bateau très convoité, l’ancien Hugo Boss d’Alex Thomson conçu spécifiquement pour ce tour du monde en solitaire. Cet IMOCA est sans doute l’un des plus performants de la génération 2020. D’ici le départ dans un an jour pour jour, Bruits de Pontons partagera et fera découvrir le projet, son environnement complet. Également ce que représente cette victoire d’être au départ de l’Everest des mers. Avant cela il reste une qualification à finaliser et en particulier une transat Jacques Vabre à disputer et surtout terminer, à une belle place si possible. Bruits de pontons a pu s’entretenir avec Alan Roura pour une présentation de son projet.
Bruits de pontons : Fin 2021, tu as racheté le très convoité IMOCA Hugo Boss génération 2020 d’Alex Thomson. Comment s’est déroulé la prise en main ?
Alan Roura : « Nous avons ramené le bateau à Lorient et commencé à naviguer début 2022. Nous avons enchainé les courses avec finalement peu de temps pour le prendre en main. Sans même parler de performance, nous avons dû passer pas mal de temps pour le comprendre. La notice n’était pas fournie avec ! Même si Alex Thomson est venu, il navigue à l’instinct. Par exemple les polaires ne sont son truc et nous avons dû récrire un manuel d’utilisation. Il y avait bien un graphe d’utilisation des voiles que nous avons récupéré mais elles étaient à changer finalement. Nous ne savions pas si les problèmes venaient d’elles ou d’un mauvais usage du bateau »
En quoi l’architecture navale de ce bateau est-elle radicale ? as-tu eu des surprises ?
« Il est très typé portant, léger, peu puissant. Il est fait pour voler et glisser le plus bas possible. Le portant c’est chouette mais il n’y a pas que cela dans la vie. Nous avons voulu le rendre plus polyvalent et fait des modifications pour les autres allures. Ensuite, le cockpit est devant en pied de mât, les foils sont typés portant, ne sont pas anti dérive pour lever le bateau. Dans le cahier des charges le près n’existait pas. Si Alex pouvait gagner 5% au portant au détriment de 20% au près, son choix était fait. Et il l’a fait.
Quand nous avons acheté le bateau nous ne savions pas qu’il y aurait 14 bateaux neufs. Il n’avait pas évolué depuis sa construction, nous le savions mais nous n’avions pas envisagé un tel gap avec la génération suivante. Cette différence ne vient pas tant des coques mais des foils qui ont beaucoup évolués : ils s’auto-stabilisent, ne dérivent pas et génèrent leur propre vent. Pour remonter au près, nous, nous devons encore jouer sur la quille et la charge dans les safrans pour compenser la portance du foil. »
Quelles sont les autres spécificités, quelles évolutions avez-vous du apporter ?
Nous avons un moteur hybride avec un groupe électrogène et un moteur électrique. Nous avons dû comprendre comment gérer les batteries. L’hybride c’est bien sur le papier mais c’est compliqué car Alex a mis toutes les options avec tous les capteurs. Il y avait une trop forte consommation d’énergie. Il y avait un palpeur sur le bout dehors, il y en avait partout en fait ! C’était très utile pour comprendre le fonctionnement du bateau, pour la collecte de données à la naissance. Nous avons fait en sorte que l’énergie solaire compense et nous sommes arrivés à l’équilibre. Alex finalement avait peu navigué et la simplification était à notre charge. En termes de réelle évolution, nous avons juste renforcé le mât dans le cadre de la jauge IMOCA.
Quels sont tes ambitions pour cette Jacques Vabre ?
« Toutes les courses d’avant saison ont démarré au près avec une perte 4 à 6 nœuds par rapport aux bateaux neufs. Avant il n’y avait pas de sélection pour le Vendée globe et Alex a conçu son bateau pour ce seul objectif. Là nous devions faire toutes les autres courses et nous ramassions parfois les bouées. Cela faisait partie de notre apprentissage mais maintenant nous faisons des moyennes plus cohérentes. Avec beaucoup d’air, le bateau est très fiable et nous allons limiter le déficit au près à 2/3 nœuds. Nous essayons de passer de la deuxième division à la première et il y a 15 bateaux qui peuvent gagner la Jacques Vabre dans la flotte. La place m’importe peu, nous voulons bien naviguer, proprement et faire le bon travail. Si nous sommes dans le match, la place suivra. Enfin nous ne pouvons pas nous permettre de casser le bateau avec ce contexte de miles à cumuler pour le Vendée Globe. Cela finit par descendre le niveau de performance de tout le monde. »
Ton équipe a une forte réputation d’humanité, de bien vivre ensemble, comment es-tu arrivé à ce résultat ?
« L’équipe a démarré en 2016 sur le premier projet. Tout le monde était bénévole puis nous avons grandi au fur et à mesure. Nous avons tous été lié par le premier Vendée Globe, nous avons étoffé l’équipe pour le deuxième avec des personnes qui voulaient travailler avec nous. Ensuite pour ce nouveau projet nous avons réétoffé l’équipe. Elle est petite, composée de huit, neuf personnes mais nous avons eu zéro souci de préparation pendant deux ans. Nous sommes soudés et au vu du temps passé en semble, c’est une grosse colocation. Avec un seul objectif, le Vendée Globe. »
Pourrais-tu nous parler de ton partenaire Hublot, de vos valeurs communes et du contrat qui vous lie et la valeur du bateau ?
« Cela faisait cinq ans que nous leur proposions. Hublot était présent en Formule 1 et dans d’autres domaines. Après le dernier Vendée Globe, ils ont décidé de se lancer et c’était vraiment le sponsor que je voulais depuis longtemps, c’est une marque jeune dynamique avec un état d’esprit familial, qui a su rebondir. Ils ont des valeurs de qualité, de respect envers chacun, de ne pas faire pour faire, sans communiquer sur le fait de sauver la planète, de faire des choses positives. Ils les font, et point. Ils sont jeunes et dynamiques comme nous, ils ont l’envie de faire un Vendée Globe. Le contrat va jusqu’à l’été après le Vendée. Hublot n’est pas propriétaire du bateau, c’est un ami suisse comme moi, investisseur, qui est propriétaire et je loue avec ma société. Je ne peux pas communiquer sur la valeur précise de rachat du bateau mais elle se situe entre 4 et 5M€. »
En bonus, le la quatrième journée Alan et Simon sur Hublot :