Les années se sont changées en mois, les mois en semaines, les semaines en jours et Louis Duc va pouvoir réaliser son rêve dimanche prochain : prendre le départ de son premier Vendée Globe après quatre années de travail acharné. Retour sur son parcours.
Bruits de pontons : Quel est ton état d’esprit à quelques jours du départ ?
Louis Duc : « C’est un rêve qui se réalise. C’est une énorme aventure. Nous avons racheté ce bateau en pleine période Covid, nous ne savions pas si les courses allaient encore exister, ce qui allait se passer dans l’économie et s’il serait encore possible de trouver des sponsors. Nous avons pris le risque de racheter ce bateau accidenté voué à partir à la poubelle dans l’esprit de beaucoup. Finalement j’ai eu la chance de pouvoir constituer une équipe pour le reconstruire. Le projet nous a couté 600 000 € entre le rachat et la remise en état ce qui correspond à l’achat d’un bateau d’occasion mais je n’avais pas les moyens à l’origine. Nous avons franchi toutes les étapes, c’est extraordinaire. En nous battant nous avons écrit une histoire pour le sauver et cela à généré de la confiance autour de nous.
Cela été beaucoup plus simple que prévu et nous voilà finalement au départ du Vendée Globe ! »
Bruits de pontons : Quel est ton souvenir le plus ancien de cette course ?
Louis Duc : « Je me souviens de la victoire d’Alain Gauthier puis celle de Christophe Auguin. Là j’étais pleinement lucide et je me souviens de la disparition de Gerry Roufs. J’étais persuadé qu’il allait revenir, qu’il avait des problèmes de communication mais que nous allions le voir réapparaitre aux Sable d’Olonne à un moment donné. Cela n’est jamais arrivé, cela m’a beaucoup marqué quand j’étais gamin »
Bruits de pontons : Quel est ton rapport à cette course ?
Louis Duc « Je suis venu sur les pontons en 2004 quand j’ai commencé à avoir des liens avec ceux qui partaient après avoir été en Class40. Ces marins m’avaient fait rêver, je les avais rencontrés et j’étais content de les voir partir. Pour moi le Vendée c’est un Graal, c’est vingt ans de préparation et de navigation sur un autre support avec l’objectif d’aller là. Le rêve devient concret et maintenant je mets toute mon énergie pour que cela fonctionne »
Bruits de ponton : Quesque cela a changé pour toi de « monter » en classe IMOCA ?
L’environnement sportif
Louis Duc : « J’avais envie de passer sur ces machines de guerre. Beaucoup de marins étaient déjà en Class 40, nous les connaissons déjà. Soit en ayant travaillé avec eux, soit sur l’eau. Ensuite la flotte d’IMOCA à dérives droites se tire vers le haut en fonctionnant en mode régate. J’allais bien en Class40 et je pense aller bien en bateau à dérives »
La navigation
« Un IMOCA n’est pas si compliqué à naviguer, il y a surtout beaucoup de technologie. Tant qu’il n’y a pas de problème technique tout va bien ! Cela reste un bateau avec des voiles, des écoutes et une barre. Quand on la pousse cela va toujours dans le même sens ! La grande différence vient de la puissance, des efforts et donc de la surveillance à avoir en permanence. La façon de naviguer change donc par rapport à la technique du bateau. »
L’organisation projet
« Un projet Class40 peut se gérer à deux voire seul si on sait se débrouiller et bricoler. En IMOCA c’est impossible : déjà il faut être quatre pour sortir le bateau du port avec un semi-rigide et porter une voile se fait à plusieurs. Le travail technique est énorme et rien ne se fait seul. Il faut un expert en électronique, en hydraulique, en batterie lithium forte puissance, … ». Les sollicitations administratives, médiatiques et d’organisation de course n’ont rien à voir. Par exemple, il faut être présent pour suivre les évolutions de la classe IMOCA. L’équipe regroupe 3 personnes techniques et monte à 10 personnes selon les phases. »
Le budget
En fait il faut mettre un bateau en face du budget qui est directement lié à sa valeur. Il faut compter 10% de la valeur en décote annuelle et encore 10% en prime d ‘assurance. Avec un bateau à 3 Millions par exemple, d’emblée 600000 euros partent la première année. Personnellement je fonctionne avec un budget annuel de 700000 € »
Bruits de ponton : Qu’aurais-tu envie de dire aux candidats à l’IMOCA ?
Louis Duc : « Il faut avoir envie, cela demande beaucoup, beaucoup d’énergie. Certains marins sont très bien en class40 : il y a un fort niveau, la classe est devenue beaucoup plus pointue avec l’arrivée de Figaristes très forts. Une fois décidé, il faut bien réfléchir sur la façon d’accéder à l’IMOCA. La manière forte avec un bateau à foils dernière génération coûte extrêmement cher. Il faut avoir la chance d’avoir un partenaire qui a les moyens. L’autre voie est de monter un projet raisonnable de valeur « class 40 » comme l’ont également fait Benjamin Ferré, Tanguy le Turquais ou Violette Dorange. Nos projets sont raisonnables, bien réfléchis avec des bateaux à dérive plus simples mais un niveau de régate élevé »
Bruits de ponton : Quel est ton objectif sportif sur ce Vendée Globe ? :
Louis Duc : « Dix marins peuvent gagner, ils ont tous cela dans le crane après il n’y a qu’un seul élu. Le but qui compte vraiment c’est de finir».
Bruits de ponton : Pour conclure comment vois-tu évoluer cette course ? Louis Duc : « Il y a plusieurs options possibles. Cette course est liée à la classe IMOCA qui évolue, le Vendée Globe a aussi ses propres objectifs et veut avoir différents profils de coureurs. Conserver l’accessibilité, accepter d’avoir encore des bateau dérives me semble important. Les plans porteurs vont arriver et on risque aussi d’avoir beaucoup de casse. L’état des bateaux à foils au retour va peser également. Avec une jauge à 40, en comptant les bateaux neufs, les modifiés et ceux déjà en construction il n’y a plus la place pour 15 bateaux à dérives avec la petite dizaine de projets qui arrive à être sur le devant. Je n’ai pas la réponse, mais je suis persuadé que beaucoup de choses risquent de changer. Peut-être pas en 2028 mais pour l’édition suivante.»
Chronologie sélective :
- Février 2017 : Lancement du chantier du Class40 CARAC, premier LIFT40 notamment caractérisé par un gréement avec un seul étage de barre de flèche. Il s’agit du premier bateau neuf de louis Duc présent depuis dix ans dans la classe.
- Octobre 2019 : Associé en Class40 avec Aurélien Ducros, Louis s’aligne pour la transat Jacques Vabre sur son bateau renommé Crosscall
- 21 octobre 2019 l’IMOCA Fortil (Plan Farr 2006, quatrième bateau PRB) prend feu dans le bassin Paul Vatines
- Vendée Globe 2020 : Louis intervient en support de Miranda Merron
- Octobre 2020 : Rachat de l’IMOCA Fortil très endommagé. Il se lance dans un chantier titanesque sollicitant toute son expérience et expertise technique nous en parlions ici!
- 2021 il boucle sa première Transat (Jacques Vabre) avec Marie Tabarly sur son IMOCA Kostum-Lantana Paysage
- Depuis 2022 il enchaine et termine les courses IMOCA pour se qualifier pour le Vende Globe avec notamment une 8ième place sur la Vendée Arctique.
- 10 Novembre 2024 départ pour Vendée globe