« Quand le risque d’avalanche est de 5 sur 5, on ne sort pas » (Aurélien Ducroz – Crosscall)
La météo était présente dans tous les esprits depuis plusieurs jours, le départ étant prévu au vu des premiers fichiers au près sous 25 nœuds de vent Sud-Ouest avec un à deux mètres de houle et des vagues jusqu’à six mètres. Certes comparables avec l’édition précédente, ces conditions étaient prévues pour forcir encore plus rapidement. Inévitablement est réapparu le débat sur un report éventuel ou la possibilité pour chacun de se mettre à l’abri en bon marin et ce dans un rayon de 150 Miles autour de St Malo sans pénalité. La direction de course a finalement tranché : le départ de la 12ième édition la Route du Rhum est purement et simplement reporté de 48/72 heures dans les valeurs de la mer.
Bruits de Ponton était présent lors de l’annonce faite pendant le briefing météo et a pu recueillir diverses réactions de marins.
Le contexte :
La situation météorologique des premières heures est qualifiée avec un flux dépressionnaire sur l’Atlantique Nord propulsant des dépression à partir du soir du départ de dimanche : le vent de face monte à 30 N en entrée de Manche et des conditions de mer très difficile. Une dépression d’origine tropicale est remontée vers Terre-Neuve avec une pression très faible (935 hPa versus une moyenne habituelle de 1015 hPa) cette houle arrive au mauvais moment avec des vagues de 5 à 6 mètres sur la pointe bretonne avec des courants de marée importants. Le jour d’après – le lundi 7 novembre – une dépression très creuse avec un conflit de masse d’air polaire et subtropical va générer une forte instabilité. La mer sera croisée avec la houle d’ouest et la houle générée par le vent de sud. Il s’agit bien d’un système météorologique qualifié de dangereux par la Direction de course . De plus la flotte n’avait aucune échappatoire à l’exception éventuelle des Ultims. Le souvenir de l’édition de 2002 qui avait décimé la flotte des multicoques ORMA a sans doute pesé sur ce report.
Kito de Pavant (HBF – Reforest’Action / Class40) :
«C’est une décision raisonnable pas facile à prendre. J’étais partant pour y aller, la route du rhum se passe toujours en novembre. Après si c’est pour casser la moitié de la flotte… C’est plus sage mais au fond cela ne m’affecte pas particulièrement.»
Louis Burton (Bureau Vallée / IMOCA) :
«Nous sommes certes moins enfoncés dans la Manche que le Havre, mais il y avait 85 demandes de bouée ou place de port hier soir. C’est donc une décision prudente et difficilement critiquable vu la nature du front et la saturation des points d’abri. Maintenant nous allons devoir tout réorganiser avec les équipes pour que cela reste un bel événement pour les partenaires qui viennent nombreux au départ et à l’arrivée qui risque aussi d’être décalée »
Luke Berry (Lamotte – module création / Class 40) :
« Je ne suis pas dégouté même si j’étais prêt à partir, et je comprends que c’est délicat avec la pénurie d’abri : Les IMOCA et Ultims avaient déjà réservé leur place à Roscoff. Camaret est trop compliqué pour nous avec un série de virements de bord à faire, le port de St Quay-Portrieux est plein et Falmouth en Angleterre générerait une logistique trop complexe en cas de casse.
Je pense que cela a joué dans la décision. Lors de l’édition précédente, nous pouvions dégolfer (sortir du golfe Ndlr), aller à Lorient, à Camaret. Cette fois c’est impossible car en Manche ce courant de 4 nœuds complique tout. Cela aurait été casse-bateau »
Marc Guillemot (Metarom MG5/ classe Rhum multi):
« La décision est bonne car nous avions déjà décidé avec l’ensemble de la classe Rhum-multi de partir mardi soir ou mercredi avec un retour avec Fréhel après le départ de dimanche. Nous pouvons que nous en féliciter. »
Yves le Blevec (Actual / classe Ultim) :
« Nous avions la possibilité de filer vers le sud en deuxième partie mais le premier passage était vraiment compliqué.
Au moment le plus fort nous serions vers le Fastnet et les autres auraient été coincés entre Ouessant et les îles Scilly .
Je suis aussi directeur de course , je me demandais depuis plusieurs jours pour savoir dans quel position j’aurais aimé ne pas être : être un coureur qui va se faire bastonner ou directeur qui doit prendre une décision très compliquée. Je pense que c’est la bonne, envoyer 138 bateaux dans ces conditions aurait été à la limite de l’arrogance. La direction avait cela en tête sans doute depuis longtemps sans donner de signal et finalement l’impact du décalage est mineur à l’échelle de la course »
Thomas Coville (Sodebo / classe Ultim) :
« C’est une décision de direction de course : comme pour un arbitre elle se respecte et ne se commente pas. Le team Sodebo n’a fait aucun lobby. Ensuite si la route du Rhum envoie un message au grand public vis-à-vis de la gestion de conditions difficiles c’est très bien. Je pense aussi à ceux qui seraient venus éventuellement nous secourir. Il n’y avait aucune échappatoire , c’était trop compliqué une fois lancé. Même si en Ultim avec avoir été secoué au départ comme tout le monde, nous avions sans doute une solution pour éviter la deuxième baston, cela n’avait pas d’intérêt pas rapport à l’ensemble de la flotte qui est très hétérogène. Et ce report est un détail de la course. »
Aurelien Ducroz (Crosscall / Class40) :
« Bonne nouvelle . Il y a 5 sur 5 de danger d’avalanche, nous n’allons pas skier . C’est une très sage décision de l’organisation car nous ne faisons pas cela pour jouer les gros bras. Quand la mer est mauvaise ,n’importe quel marin pécheur, plaisancier, compétiteur ne sort pas. Je suis fier que de montrer cette image-là. Personnellement je me suis battu toute ma carrière en montagne pour montrer l‘exemple. Quand je fais une sortie engagée je pars avec un guide, à 4 sur 5 je ne sors pas. Nous ne sommes pas là pour casser nos bateaux . »