Pour célébrer sa 10e édition, le Vendée Globe a inauguré son village Départ le samedi 19 octobre. Accessible jusqu’au dimanche 10 novembre 2024, cet espace de 30 000 m² offre une immersion totale dans l’univers de la course au large. Comparée à une édition 2008 qui avait péniblement rassemblé 20 bateaux et une 2020 sous le joug du covid, celle de 2024 s’annonce exceptionnelle avec 40 bateaux, à l’issue d’une toute nouvelle procédure de qualification.
Gratuit mais accessible sur réservation, le Village permet au public de découvrir les coulisses de la course, d’accéder à des animations interactives et surtout de rencontrer les skippers au gré des visites des pontons.
Bruits de ponton a pu les interroger pendant l‘inauguration sur leur ressenti du Village, leur ambition sportive, leur approche en tant que bizuth ou récidiviste et sur ce qui peut faire la différence pour atteindre leurs objectifs.
C’est un kaléidoscope de sentiments qui ressort : certains appréhendent ces trois semaines à venir avant le départ avec leur cortège d’obligations, d’autres sont ravis de partager avec le public. Les avis divergent sur l’avantage d’être un bizuth et donc forcément de ne pas mesurer l’ampleur des difficultés à venir. A ce sujet, on peut citer Michel Desjoyeaux seul double vainqueur : « Un Vendée Globe, c’est une emmerde par jour ». Tous s’accordent sur une chose : gagner cette course ou faire la différence dans sa catégorie repose sur une multitude de facteurs.
Pourquoi parler de catégorie alors qu’une seule classe – les IMOCA monocoques de 60 pieds – est alignée au départ ? Sur le papier les bateaux à dérives droites ne peuvent rivaliser (sauf conditions météorologiques particulières) avec les bateaux à foils qui volent sur l’eau. La génération du bateau (environ quatre années) compte également même si le vainqueur sortant Yannick Bestaven ne disposait pas du meilleur bateau sur le papier en 2020. Ainsi beaucoup de skippers vont intellectuellement et sportivement se mesurer d’abord à ceux qui disposent de bateaux similaires et viser une plage de classement identique, vainqueur, podium, top 5, top10, …
Morceaux choisis des meilleurs propos de pontons :
Jérémie Beyou sur Charal, plus de 20 ans de course au large, 3ième du Vendée 2016.
« Il n’y a pas le covid, cela va être une fête populaire. Les bateaux et les skippers sont très affutés, la concurrence sur l’eau est de plus en plus forte et cela va être très dur de sortir de lot. Je me sens prêt, nous sommes bien préparés et j’attends la course avec impatience. Je vais surveiller tout le monde, cela va se jouer sur le rythme. C’est la météo qui décide de ce qui va être possible de faire contrairement à une transat. On sait que l’on ne pourra pas être à 100% tous les jours et qu’il faudra choisir les moments où l’on pousse. C’est donc une course très stratégique, c’est cela qui est intéressant »
Maxime Sorel sur V and B – Monbana – Mayenne l’homme du double Everest : premier marin à gravir l’Everest et terminer un Vendée Globe, deuxième participation.
« Il y a forcément un avantage à l’avoir fait au niveau des vêtements, de la nourriture, du matériel de remplacement, bref pour définir tout ce que l’on embarque, c’est un gros plus. Est-ce que c’est uniquement un avantage ? En fait, je le saurai après le deuxième. Le niveau est dingue avec vingt bateaux qui peuvent faite top5 et à coté plein de projets que je qualifierai d’aventure. C’est incroyable. Mon ambition est de finir dans le top cinq même si un top 10 nous contentera.
Cette course est tellement aléatoire avec beaucoup de paramètres qu’affirmer « je vais gagner le Vendée Globe » est impossible. C’est un duo entre le bateau et le bonhomme avec une part d’aléatoire. Nous ne maitrisons pas les casses que nous allons avoir sur le bateau. »
Conrad Colman sur « MS AMLIN » premier à boucler la course sans énergie fossile lors de l’édition 2016, deuxième participation
« La course monte en puissance, nous avons 40 IMOCA avec un niveau jamais atteint ; les bateaux sont tous affutés. Même moi avec mon petit budget je suis archi-prêt et non pas à l’arrache. Mon ambition est de finir avec mon mat debout et d’être bien placé parmi les bateaux à dérive. Cela va se jouer plus sur la performance que la fiabilité. Je suis en pleine conscience, je connais le parcours et comment me comporter. C’est bien mieux que pour une première. »
Alan Roura sur Hublot anciennement « Hugo Boss » premier IMOCA « fermé » au niveau du cockpit, troisième participation.
« Je suis fier d’aligner mon bateau au départ. J’ai hâte d’y aller cela va être long les trois semaines et je vais d’ailleurs couper cette période avec une semaine en famille sur l’ile d’Yeu. Je suis content de revenir avec un vrai Village après l’édition 2020 et le Covid. Le coté partage, festif que j’ai connu en 2016 m’a manqué. J’ai hâte de voir les pontons avec du monde, les visiteurs qui viennent poser des questions. Sportivement, être dans les 10 serait top. J’ai envie d’être dans le match. En performance il y a quatre cinq bateaux intouchables. Sur le dernier Vendée, il y a eu peu de casse, mais les bateaux sont très poussés technologiquement et cela risque de ne pas être pareil. Je mise sur le côté marin pour sortir mon épingle du jeu car cela reste avant tout une course de marins. »
Retrouvez plus en détail le projet d’Alan sur son imoca hublot ici
Arnaud Boissières sur La Mie câline pour son cinquième Vendée Globe après 4 achevés
« Cela reste une aventure sportive de plus en plus intense, le foil c’est quand même extrême. La famille s’agrandit avec 40 bateaux et participer reste un aboutissement. Ensuite un bon Vendée Globe passe par des semaines de Village bien vécues par le public et les partenaires, c’est un point important à mes yeux. J’habite à 800m du village, je vais naviguer à deux reprises et partir à Noirmoutier pour une séance de dédicace et m’accorder du temps en famille.
En termes d’ambition, avec beaucoup d’humour et de réalité, j’aimerais inverser la tendance après mes places de 7ieme, 8ieme 10iéme et enfin quinzième en rentrant dans le top15.
Même si cela n’est pas comparable avec une solitaire du Figaro, c’est tout de même sur des détails que cela se joue. La dernière fois, mon poursuivant arrive 1H30 derrière moi et le suivant 3h après. Tout compte : l’usure du bateau, l’usure du bonhomme, le choix de voile et le choix des trajectoires. Il faut être opportuniste. »
Arnaud nous partageais son aventure dans cet article, à lire et à relire !
Paul Meilhat sur Biotherm un des piliers de la classe IMOCA, deuxième participation après l’édition 2016
« Je suis heureux et fier du travail de l’équipe. Nous avons travaillé très dur cet été, la remise à l’eau s’est faite il y a seulement un mois. Nous avons beaucoup navigué, je suis fatigué. Le bateau est plus performant qu’avant, il y a du potentiel. Je vais me mêler à la bagarre mais je sais que je vais découvrir des choses pendant cette course. L’idée c’est d’aller jouer devant. Le succès se joue sur beaucoup de choses, le plus important c’est la capacité à écouter et s’adapter au rythme du bateau.
Le mental compte énormément car il faut toujours rester lucide. Il y a des avantages à être bizuth, déjà il y a beaucoup de vainqueurs. Le défi est colossal. Pour la première fois, on ne sait pas trop et on ne réfléchit pas. Réfléchir, douter c’est perdre pour un sportif de haut niveau. Il faut être dans la maitrise et faire les choses comme on les ressent. Avoir déjà fait peut générer du doute. Après l’expérience apporte énormément sur la gestion du bateau. Au fond, j’ai la frustration de ne pas m’être aligné il y a 4 ans et cela me redonne ce côté bizuth, donc c’est parfait ! »
Enfin impossible de ne pas conclure avec Charlie Dalin sur Macif , premier sur la ligne en 2020 et deuxième au classement par le jeu des réparations.
Après de longs mois pour digérer la déception, il repart au combat avec un bateau neuf, ultra préparé avec un cockpit optimisé, une ergonomie maximale, un team éprouvé avec notamment un préparateur mental pour être clair dans ses décisions.
La première place est le seul objectif et pour Charlie il est impératif d’«être en forme, de faire les bons choix stratégiques, aller vite et surtout ne pas avoir d’aléa. Après une dizaine de clients sérieux peuvent également gagner. Outre la technicité du bateau qui a énormément évoluée (coque, systèmes), nous avons fait un gros travail sur l’alimentation. Pour l’avitaillement, énormément d’essais ont été réalisé depuis un an et demi ! Enfin un préparateur mental m’a permis d’appréhender plusieurs techniques dont l’autohypnose. J’ai tous les outils pour répondre à toutes les situations !»
Assurément l’un des grands favoris parmi ces 40 aventuriers de l’extrême. Venez les voir jusqu’au 10 novembre aux Sables d’Olonne.
Informations pratiques :
Le village du Vendée Globe est ouvert de 10h à 20h pour les stands, le restaurant sera lui ouvert jusqu’à minuit et le bar jusqu’à 1h du matin en semaine et jusqu’à 2h les vendredis et samedis.
L’accès au Village est gratuit avec un e-billet disponible sur le site internet du Vendée Globe.