Ingénieur diplômé de Cambridge, il a travaillé 4 ans à Paris, terminé deuxième en amateur de la Mini transat et lance son premier projet de marin professionnel en Class40.
Bien accompagné par Erwan Le Draoulec skipper MACIF 2020, doté d’un bateau dernière génération mis à l’eau il y a peine un mois, il sera assurément à surveiller de près. Découverte d’un marin analytique qui compense son manque d’expérience par le travail, la détermination, une approche structurée et un fort engagement.
Bruits de Ponton : Quel a été ton parcours jusqu’à ce départ de transat Jacques Vabre édition 2021 ?
Nicolas d’Estais : « J’étais en statut amateur semi-pro, je travaillais encore à Paris le mois dernier. Petit je suivais la course au large qui m’a toujours fait rêver, et je faisais de la voile pendant les vacances vers l’ile Berder près de Larmor-Baden. J‘ai navigué en IRC en équipage pendant mes études en Angleterre, et j’ai pu faire la Mini Transat en 2015 à 22 ans en ratant ma cérémonie de remise de diplôme ! J’ai fait du conseil en stratégie en entreprise et j’ai pu refaire la Mini en 2019 en terminant deuxième ce qui m’a convaincu de basculer vers un statut de marin professionnel »
Bruits de Ponton : Comment as-tu construit ton projet ?
Nicolas d’Estais : « J’ai lancé la construction de ce bateau chez Multiplast, il s’agit du dernier mis à l’eau de toute la flotte et de toute les classes. L’objectif c’est la Route du Rhum. Nous avons réussi à naviguer, préparer et mettre le bateau au point en un mois et être là pour cette Jacques Vabre est déjà une prouesse. Je suis ravi de commencer par la seule transat en double en Class40, avec Erwan qui a gagné la Mini en 2017 et fait aussi du Figaro. Nos partenaires sont également associés : Apivore fondé par un ancien collègue fait de la viande végétale et celui d’Erwan, Emile Henry, fabrique des céramiques culinaires. Cette course en duo est aussi un duo de sponsors complémentaires.
Erwan apporte 50 % du budget et de mon côté, j’ai démontré à Happyvore qu’il y avait un retour sur investissement en termes de marketing. J’ai analysé l’étude Rivacom des retombées de la Route du Rhum 2018 et je suis arrivé à la conclusion qu’un projet Classs40 était toujours rentable. A l’extrême, il n’est même pas nécessaire de performer. Toutes mes économies sont passées dans le bateau avec des co-investisseurs et nous avons séparé le budget de fonctionnement qui est porté par une autre structure qui loue le bateau. »
Bruits de Ponton : Ton bateau est de type scow dit de nouvelle génération, quels sont ses apports ?
Nicolas d’Estais : « Il est plus puissant à toutes les allures avec plus de couple de rappel à la gite, l’avant ne plante jamais dans la vague au portant dans la houle, le bateau cabre plus et on gagne en vitesse moyenne. Par petit temps au près et au portant en VMG (Ndlr Velocity Made Good / Compromis Cap Vitesse) c’est moins bien mais ces conditions sont rares en transat. Enfin il est très facile de faire un bateau puissant en élargissant mais cela génère de la trainée. Nous avons donc voulu travailler cela comme Hugo Boss et Charal en relevant le franc-bord et en amincissant le tableau arrière.
Bruits de Ponton : « Que t’a apporté la Mini et pourquoi un Class40 et pas un Figaro ensuite ? Vises-tu le Vendée Globe à terme ?»
Nicolas d’Estais : « J’aime tout faire à bord, les stratégies, les manœuvres. J’ai fait un Fastnet en équipage et je préfère en fait être en équipage réduit ou seul. Ensuite ma force c’est le large, les longues courses, pas les parcours techniques côtiers. N’ayant pas fait de sport étude voile, ni de préparation olympique, c’était une évidence de passer en Class40. La classe a le vent en poupe, elle intéresse plus les sponsors qu’une solitaire de Figaro selon moi.
En Figaro je devrais y aller 6 ans et c’est dur de motiver un sponsor aussi longtemps pour ramasser des bouées. Le passage Mini n’est pas indispensable pour la course au large, néanmoins ce côté communauté, entraide, se débrouiller avec peu ou pas de budget, sans sponsor, ont été très formateurs. Ensuite, un class40 est plus facile à prendre en main pour un amateur et il est plus dur de finir la Mini que la Route du Rhum qui ont des parcours similaires. A partir de 30 nœuds de vent au près, la survie débute, à 25 nœuds en Class40 on va changer sa voile d’avant. En Mini il n’y pas de fichier météo, il faut comprendre le baromètre, tout est beaucoup plus roots. Cela m’a donc permis de naviguer au large en développant mon sens marin et je suis ravi de cet engouement pour la Mini.
Pour le Vendée Globe qui fait rêver tout le monde, la différence va se faire sur la capacité à monter un projet et boucler un budget. Je vais essayer sans certitude d’y arriver. Et puis il y a aussi des courses autour du monde en class40 en train de se monter qui font tout autant rêver. »
Bruits de Ponton : Quelle est ton ambition pour cette course ?
Nicolas d’Estais : « Mon ambition sportive est limitée, nous ne nous sommes jamais retrouvé bord à bord avec les autres. Le bateau est en friche et je n’ai aucune idée des performances. Être à l’arrivée sera très satisfaisant et faire un top 10 serait très bien. Je serai déçu pour mon équipe, mes investisseurs, de ne pas terminer. Il va donc falloir régler le curseur entre se faire défoncer derrière un front et aller certes fort mais sans prendre de risque. Encore une fois être au départ de cette Transat est déjà pour moi une victoire. »